L’élevage de bouvillons à l’herbe donne de bons résultats
Techniquement, la production de carcasses légères à partir de veaux croisés laitiers conduits à l’herbe fonctionne bien. Reste à finaliser l’analyse économique...
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La France a exporté 18 % de ses veaux mâles laitiers en 2020, contre 6 % en 2010. Ces animaux rejoignent souvent des ateliers d’engraissement en Espagne. Les élevages produisant du jeune bovin ou du bœuf en France reculent, ce qui explique ce manque de débouchés. Dans le même temps, les importations de viande rouge ne cessent de croître et représentent désormais un quart de la consommation. Elles alimentent essentiellement la restauration hors domicile (RHD), qui recherche des carcasses de type vaches de réforme dont la disponibilité faiblit dans l’Hexagone.
Cette situation interpelle pour plusieurs raisons. D’une part, la valeur produite par l’activité d’engraissement échappe de plus en plus à la filière française. D’autre part, le transport des jeunes veaux non sevrés est sur la sellette pour des raisons de bien-être animal. La pression sociétale est forte et la Commission européenne devrait présenter ses propositions pour améliorer le bien-être animal dans les transports en décembre.
Engraisser en France au lieu d’importer
Trouver des débouchés français pour les veaux laitiers représente donc un enjeu fort. La filière s’est saisie de cette question en 2020 avec, en toile de fond, l’idée de remplacer les carcasses importées par celles issues de veaux laitiers. Cela suppose d’adapter les conduites afin de produire les animaux souhaités par la RHD, c’est-à-dire des carcasses d’environ 300 kg, bien finies (classées 3), produites régulièrement au fil de l’année.
Une expérimentation a été lancée au Centre d’innovation et de recherche des Bouviers (Cirbeef), à Mauron (Morbihan), sous l’égide de l’Idele. Il s’agit de tester des itinéraires techniques pour produire ce type de carcasse à partir de veaux laitiers croisés (projet Valoveau). Ceux-ci représentent en effet près d’un quart des naissances et leur part ne cesse d’augmenter. Pour répondre aux attentes sociétales, les régimes alimentaires à base d’herbe ont été privilégiés.
Des veaux croisés élevés dix-sept mois
Pour l’instant, les essais ont concerné 224 bœufs. Ils sont issus de différents croisements sur une base holstein (père blanc bleu, Inra 95, limousin, charolais ou angus) ou normande (pur ou croisé limousin). Ils ont rejoint la station en moyenne à l’âge de 23 jours et ont été castrés un mois plus tard puis sevrés à trois mois. « Nous avons voulu éviter de cumuler les stress de ces différentes phases », explique Marc-Antoine Brasseur, qui suit ces travaux.
Deux itinéraires ont été testés en fonction des périodes de naissance : les veaux nés à l’automne sortent au pâturage de 6 à 13 mois puis sont finis à l’auge de 13 à 17 mois ; ceux qui naissent en hiver pâturent de 5 à 9 mois, passent l’hiver en bâtiment et sont finis au pâturage entre 14 et 17 mois.
Les bouvillons nés en hiver ont été nourris avec une ration comprenant plus de 60 % d’herbe, dont 40 % pâturée, contre 50 % pour les autres, avec 32 % de pâturage. En effet, la sécheresse estivale habituelle à Mauron impose parfois un régime à base de stocks durant l’été. Le maïs représente respectivement 21 et 26 % de la ration. La complémentation comprend du blé et du tourteau de colza (18 à 19 % de la ration).
Des performances moindres avec une finition au pâturage
Ces deux conduites ont permis d’atteindre les objectifs fixés en termes de GMQ (gain moyen quotidien) et les animaux ont pu être abattus à 17 mois en moyenne, comme prévu.
Pour les bovins finis à l’auge, le GMQ s’élève à 1 070 g/jour, ce qui a permis un abattage à l’âge moyen de 16,8 mois pour des poids de carcasse de 309 kg. La performance est légèrement moindre avec une finition au pâturage : 970 g de GMQ, 17,6 mois à l’abattage, 299 kg de carcasse. « On observe un ralentissement de la croissance au pâturage. Le lot fini à l’auge atteint 1 500 g de GMQ pendant cette période, d’où l’écart moyen de 100 g entre les deux conduites », remarque Marc-Antoine Brasseur.
Rendements de carcasse à 53 % en moyenne
Le rendement de carcasse est lié au type génétique et s’établit en moyenne à 53,8 %. Il se situe à 51,6 % pour les holstein x angus, mais autour de 54-55 % pour les croisés avec du blanc bleu, du charolais ou du limousin. En comparaison d’animaux conduits uniquement à l’ensilage de maïs complémenté par du blé et du tourteau de colza, la durée d’élevage à l’herbe dure un ou deux mois de plus pour des poids de carcasse similaires classées O +. La marge brute est comparable. La conduite alimentaire incluant du pâturage pénalise un peu l’efficacité alimentaire et le bilan carbone, très lié à la durée de vie. Mais l’autonomie protéique est meilleure.
Les notes d’état corporel ne varient pas entre les lots. En revanche, la répartition du gras est différente. Les animaux finis à l’herbe sont moins gras, avec moins de marbré (gras intermusculaire), mais au niveau du persillé, tous les lots se ressemblent. Ce persillé est recherché par la RHD.
Une viande bien persillée
Par ailleurs, le type génétique influence aussi les caractéristiques des carcasses. Les croisés incluant les races angus et limousines se révèlent plus précoces, mais avec des conformations et des rendements de carcasse moins bons. En revanche, ils se classent très bien pour le persillé. C’est l’inverse pour le charolais ou l’Inra 95.
Les premiers tests d’analyse sensorielle effectués au laboratoire de Villers-Bocage (Calvados) montrent que les différences sont minimes sur le plan gustatif. Les viandes ont été appréciées. Les bouvillons produisent donc des carcasses adaptées au marché de la RHD aussi bien par leur gabarit que par les caractéristiques de la viande. Ce produit devrait donc intéresser les abatteurs et la RHD.
L’expérimentation continue avec d’autres types raciaux
Les essais se poursuivent à Mauron pour intégrer d’autres types génétiques (montbéliarde croisée charolais, holstein pure) mais aussi pour évaluer l’élevage de génisses dans l’optique de produire le même type de carcasse. Les premières tendances montrent que les croissances sont similaires à celles des mâles pendant la première année. Ce n’est qu’en finition que les courbes s’éloignent.
Sur le plan économique, les premières estimations s’arrêtent à la marge brute (voir le tableau ci-dessus). Des travaux sont en cours pour intégrer les charges de structures pour différents systèmes susceptibles de se lancer dans cette production.
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